La saga du Filet
Veillée sur le thème d’un compte norvégien
Figurants et acteurs : minimum trois patrouilles
Durée : 15 à 20 minutes en trois tableaux
Pour que ce jeu de scène soit bien réussi, il est important de synchroniser musique et déplacement des acteurs.
Les acteurs
Les trois personnages :
• un pêcheur norvégien
• son premier fils, Knut
• son second fils, Axel
Le choeur :
Une patrouille, avec un tambourin à main et un triangle. Voir ci-dessous la partition de ce choeur “rythme et son”.
Le filet (puis le bateau) :
Prévoir au moins six à huit figurants pour le bateau.
L’assemblée :
Elle se compose de tous les scouts qui n’ont pas de rôle précis et de l’assistance. L’assemblée entoure l’aire de jeu et prête sa voix :
1) à la conscience de Knut,
2) au mauvais génie,
3) à Dieu, dans le dialogue de la méditation finale.
Distribuer pour cela à l’assemblée le texte écrit en gros caractères (pour lire dans la pénombre), sur la feuille de chants par exemple.
Le meneur de jeu, membre de l’équipe « fil rouge », peut revêtir pour l’occasion un burnous et porter une lampe tempête. C’est lui qui raconte l’histoire au début. Ensuite, il peut poser sa lampe près de Knut avant de quitter la scène.
Mise en scène
Un meneur de jeu, en quelques mots, trace le décor : la Norvège du nord, à l’hiver très long et sans soleil. Un village au bord de la mer, perdu dans les brumes. Des familles qui vivent du rude métier de pêcheur. Il explique à l’assemblée quel sera son rôle et distribue les feuilles de chant et texte.
Tableau 1
Ouverture :
Le jeu s’ouvre sur le chant du canon “Écoute la chanson” (croquis1). Tous, acteurs et assemblée, le chantent, et il en sera de même à chaque fois qu’il sera repris. Knut, au premier plan, s’affaire à la fabrication d’un filet de pêche. Axel et le père des deux garçons passent, portant des planches pour l’entretien du bateau qui doit bientôt partir.

Le Père s’adresse à Knut :
— Active tes outils, allez, Knut, mon fils, noue bien le chanvre et tire… et serre bien chaque noeud… Tire et serre bien mon fils : il nous faut un filet solide. Je compte sur toi, Knut, pour avoir un filet sans faille…
La voix de la conscience (l’assemblée) reprend les derniers mots, comme un écho, de moins en moins fort :
— Je compte sur toi… pour avoir un filet sans faille… un filet sans faille… sans faille…
Axel et son père sortent.
Fabrication du filet
Knut s’affaire avec ses outils et le choeur “rythme et son” (voir note spéciale ci-dessous) accompagne le travail du garçon. Le “filet” se déploie peu à peu au rythme du choeur (croquis 2).

Une patrouille peut se charger de l’exécution de ce choeur, qui se joue comme un canon. La partie de tambourin (D) part la première et finit seule à la fin. Les parties A, B et C s’articulent comme pour un canon ordinaire. La mesure 1 correspond à la position écartée (voir croquis ci-contre) et la mesure 2 correspond à la position serrée (idem). Le déplacement de chaque “maille” se fera sur ce rythme, jusqu’à la position finale écartée et immobile.
Mise en place du filet rythmé par les percussions

Possibilité « avec deux filets » : on peut faire venir une autre patrouille du côté opposé et simultanément. Il faudra qu’elle évolue à un pas derrière ou devant la première patrouille, et que sa position finale soit en quinconce par rapport à l’autre.
On continue ainsi, jusqu’à ce que la patrouille entière soit déployée.
Mais bientôt, Knut est distrait par des oiseaux qui passent et, soudain, il cesse de travailler. Le choeur s’arrête brutalement et le “filet” se fige (croquis 4).

Knut rêve tout haut :
— Un goéland… deux goélands… trois goélands… cent goélands passent… volent… passent au loin… Volez mes rêves, avec eux… partez mes rêves… Volez, mes rêves, vers les rivages lointains…
Le mauvais génie (l’assemblée) reprend le même monologue :
— Un goéland… deux goélands… trois goélands… cent goélands passent… volent… passent au loin… Volez mes rêves, avec eux… partez mes rêves… volez, mes rêves, vers les rivages lointains…
À la fin de ces mots, une “maille” du filet s’est rompue (croquis le geste de Knut qui symbolise la maille qui se rompt, croquis 5). Puis le garçon se remet au travail, le choeur reprend là où il s’était arrêté, et le “filet” se déploie à nouveau.
Knut, rêveur, accompagne le dialogue du mauvais génie paumes de mains ouvertes sur les cuisses. Puis, sur le mot « volent », il ramène lentement les mains devant la poitrine en position 2 (avant la fin du dialogue). Lorsque le mauvais génie se tait, les mains s’écartent brutalement. Knut les regarde fixement. Au même moment à l’arrière, un des figurants du filet baisse les bras pour figurer la maille rompue.

Une nouvelle fois, Knut est distrait et le même jeu recommence exactement, arrêt de tous. Mais cette fois le ton de Knut est plus animé, plus intense :
— Un goéland… deux goélands… trois goélands… mille goélands passent et repassent… et volent… et partent… loin… loin… Volez, mes rêves, volez vite avec eux… Partez mes rêves, partez… volez jusqu’aux rivages lointains…
Le mauvais génie reprend de nouveau, sur le même ton. Une autre “maille” du filet s’est rompue.
Et tout reprend à nouveau : travail, choeur, “filet”. Soudain, arrêt brusque de tous rythmes et figures.
Le garçon a lâché ses outils et regarde ses mains :
– Que j’ai mal… pourquoi tirer si fort ?
Le mauvais génie (assemblée) :
— Oui, pourquoi ?
K — Pourquoi serrer si fort ce chanvre rugueux ?
Mg — Oui, pourquoi ?
K — Mon père veut-il que j’aie les mains en sang ?
Mg — Oh ! Les mains en sang !
K — Après tout, qu’importe, si un petit fil s’écarte ici ou là ?
Mg — Oui, qu’importe !
K — Allez, pas besoin de s’écorcher les doigts !
Knut reprend son travail insouciant, le choeur accompagne encore une fois, et le “filet” achève de se déployer. Mais plusieurs mailles se rompent. Le tableau se termine par l’extinction du choeur en decrescendo. Knut quitte la scène en remportant sa lampe.
Tableau 2
La pêche en mer
La transition entre le premier tableau et le deuxième se fera en chantant à voix très douce, ou bouche fermée, le canon “Écoute la chanson”. Le “bateau” vogue au milieu de l’aire de jeu. Il s’arrête, mais continue de se balancer. Les pêcheurs scrutent le fond de la mer… On jette le filet plusieurs fois…
Pour réaliser le “bateau”, suivre soigneusement le croquis 6. Quand le bateau devra se déplacer, chaque garçon marchera sur les mains et les genoux, en les soulevant le moins possible et en calquant ses gestes sur ceux de son voisin, pour obtenir un ensemble absolument homogène. On pourra aussi effectuer des figures ondulatoires, en faisant bomber les dos à tour de rôle, et de manière harmonieuse, pour imiter les vagues. Pendant la séquence de la pêche et de la chute d’Axel, le bateau sera à l’arrêt et son balancement léger.

Soudain Axel crie :
— Les harengs ! Ça y est, je les vois ! Tout un banc !
Le père et les deux garçons se précipitent, et assurent le filet qui devient plus lourd.
Axel encourage :
— Allez, allez ! Il y en a des masses !
Il se penche pour mieux voir, mais un mouvement du bateau le fait basculer dans la mer… Le père et Knut, après un moment de stupeur, se reprennent, et le père plaisante :
— Pour un pêcheur, c’est un baptême de tomber dans un filet plein ! Heureusement, c’est le filet tout
neuf que tu viens de nous fabriquer, Knut. Allez, tire… tire…
Ils remontent le filet peu à peu mais, au fur et à mesure, on voit qu’il est désespérément vide, et à la fin apparaissent deux énormes trous. Alors ils comprennent qu’Axel a disparu pour toujours… Après quelques gestes de désespoir, ils tombent prostrés au fond du bateau qui s’éloigne et disparaît. On chante, bouche fermée, le canon “Écoute la chanson”. Le père et Knut réapparaissent, marchant, sombres et courbés.
Le père se plaint :
— Knut, mon fils, qu’as-tu fait de ton frère ?
Knut proteste :
— Ce n’est tout de même pas moi qui l’ai poussé dans l’eau !
— Nous l’aurions repêché, si ton filet tout neuf n’avait eu ni faille, ni trou…
Le garçon gémit :
— Si j’avais su… si j’avais su ! Je me serais déchiré les mains… plutôt que…
Il s’enfuit, désespéré, et son père s’éloigne pesamment.
Tableau 3
Méditation…
On entonne, avec les paroles, le canon “Écoute la chanson”. Le garçon qui joue le rôle de Knut et sa patrouille, en uniforme, se placent en demi-cercle face à l’assemblée. Ils sont à genoux, assis sur les talons, les mains ouvertes sur les genoux, le regard levé. La voix de Dieu est tenue par l’assemblée, qui dialogue avec la patrouille.
Dieu :
— Écoute-moi, mon fils. Je te parle, moi, ton Dieu, moi, ton Père. Active ton ardeur, mon fils. J’ai besoin de toute ta vie… comme d’un filet neuf.
Serre chaque noeud très fort. Use tes doigts, use ton coeur. Il me faut toute ta vie, comme un filet sans trou… sans faille.
Patrouille :
— Serrer très fort, et constamment… Tirer toujours, à tout instant… Certains moments sont plus durs que le chanvre le plus rugueux. Seigneur ! Il faut donc un peu de sang sur chaque noeud ?
Dieu :
— J’ai versé tout le mien, mon fils. Silence. Les garçons baissent la tête.
Le tambourin et le triangle jouent seuls leur partie du choeur « rythme et son » : quatre passages crescendo, decrescendo.
Patrouille (regard levé) :
— Et pourquoi, Seigneur, un filet si coûteux et surtout si grand ?
Dieu :
— Mon royaume est semblable à une immense pêche. Je voudrais sauver les âmes de tes frères de leur naufrage. Des mille et mille mailles de ton filet, des mille et mille mailles de ta vie dépendra leur salut.
Silence. Les garçons baissent la tête. Tambourin et triangle, comme la fois précédente.
Patrouille (regard levé) :
— Maintenant, je comprends, Seigneur, tout ce qui dépend de moi. Avec quel regard, avec quel amour, je vais soigner chaque moment de mes journées, chaque détail de ma vie, chaque noeud de mon filet.
Le tambourin et le triangle jouent encore un peu, et s’éteignent alors qu’on entonne le canon “Écoute la chanson”.