design sans titre 2025 04 29t150710.064

Que votre joie soit parfaite !

De Étienne Rolland-Gosselin (RS) et Donatien Naves (RS)

Etre scout, c’est penser d’abord aux autres,

A tous ceux dont le coeur ploie

Nous voulons porter la Joie. (bis)”

Quel beau texte que ce chant “La Joie Scoute” écrit par le Père Sevin, qui résume si bien notre idéal scout : porter la joie ! Le Saint Père, le pape François, nous le rappelait aussi régulièrement dans tous ses enseignements, pour que la joie de l’Evangile efface la froideur de nos petites préoccupations humaines. Qu’est-ce que cela signifie pour nous, scouts ? Qu’est-ce que cela dit de nos vertus scoutes ?

S’appuyant sur de nombreux penseurs et théologiens chrétiens, il nous montre que la joie profonde vient de l’attachement aux biens véritables et durables, c’est-à-dire l’exercice des vertus qui sont tournées vers Dieu.

La joie véritable c’est d’être tourné vers Dieu, de s’engager dans une communion éclairée avec Lui, d’assimiler son message par la pratique constante de l’Évangile. Cette pratique de l’Évangile nous apprend à cultiver notre volonté ferme, à fuir le mal et à agir avec une pureté constante pour le bien. En suivant ce chemin, chaque acte de foi – c’est-à-dire chaque fois que nous pratiquons les vertus – transforme nos vécus en un lieu de grâce, où Dieu nous rend vivants et heureux par la puissance de son amour.

Franchise, Dévouement, Pureté

Simples et efficaces, ces vertus scoutes nous tracent un chemin clair pour vivre pleinement notre scoutisme. Là encore, le chant La Joie Scoute éclaire notre route : « Être scout, c’est penser d’abord aux autres ». Ce n’est pas par des exploits ou des coups d’éclat que nous portons la joie, mais en pratiquant fidèlement, humblement, ces vertus simples.

Sans prétendre à un exposé complet, ne serait-il pas temps, en HP, en maîtrise ou tout simplement en Heure Route, de nous arrêter et de réfléchir sérieusement à ce que ces vertus attendent de nous, concrètement, au quotidien ?

  • Quel est mon rapport à la vérité ? Suis-je capable de choisir la vérité plutôt que de préserver mon image ? Comment affronter mon orgueil, mon désir de paraître sous un jour flatteur ?
  • Quel est mon rapport au service ? Suis-je venu pour “rendre ce que j’ai reçu”, tel un comptable ? Suis-je tenté de chercher un prestige personnel dans ce que je donne ? Ou bien est-ce un service profondément gratuit, animé par l’amour du prochain ?
  • Quel est mon regard sur mon prochain ? Est-il vrai, bon, intègre ? Suis-je cohérent entre mon service, ma vie quotidienne, ma vie de chrétien ? Ma manière de parler, d’agir, de me lier aux autres manifeste-t-elle cette unité intérieure ?

Excellent exercice à faire en conseil, avec l’objectif de prendre des résolutions concrètes, simples, à appliquer ensemble. Ces vertus sont le socle d’un vrai scoutisme, celui qui ouvre à une joie profonde, cette joie que nous voulons « porter à ceux dont le cœur ploie », comme le chante si bien le Père Sevin.

Utiliser les vertus scoutes comme chef éducateur

En tant que chefs, nous ne pouvons pas nous arrêter à ce premier niveau. Notre mission exige d’aller plus loin : faire vivre à chaque éclaireur l’expérience concrète des vertus scoutes.

  • par la vie en patrouille – Au contact de ses frères dans sa patrouille, l’éclaireur va vivre en pleine vérité, en se mettant au service d’un but qui le dépasse. Ici, il expérimente que la joie naît du dépassement de son égoïsme.
  • par la vie de conseils – Le conseil de patrouille est un lieu d’apprentissage de la vraie charité. Ce n’est pas simplement organiser la semaine, mais chercher ensemble le bien commun, soutenir ses frères, savoir accueillir leurs talents, et exercer la correction fraternelle dans un vrai amour du prochain. Un tel conseil nécessite qu’on y accorde le temps nécessaire et que tes CP soient formés à rechercher le bien commun. Assure-toi que le conseil de patrouille comme le conseil de maîtrise soient quotidiens avec un temps délimité et consacré rien qu’à ça, que cela n’empiète pas sur une autre activité.
  • par la vie de la loi scoute – La loi scoute n’est pas un règlement poussiéreux. C’est un chemin de vie. La proclamer lors de la promesse est beau, mais pourquoi ne pas la proclamer chaque jour, au rassemblement, pour ancrer dans le cœur de chacun ces repères solides qui nous guident ? C’est ainsi, en vivant concrètement la loi, que nos éclaireurs pourront « chanter Dieu pour être apôtres », et pas seulement dans les grands moments officiels. N’oublions pas : “la loi scoute est la loi de ce camp”.
  • par les activités en tout genre – À travers les jeux, les installations, les imaginaires, les camps… tout doit être conçu non pour flatter les scouts ou simplement les amuser, mais pour les élever, leur faire découvrir la beauté du service, du don de soi, de la pureté du regard. Ainsi on ne se contentera pas d’essayer de reproduire ce qu’on croit avoir vécu quand nous étions nous-mêmes éclaireurs, nous chercherons à tout moment le bien personnel de chacun de nos scouts (et non pas simplement leur contentement). 
  • par l’exercice de la charge d’âme pour le chef – Cela demande vigilance et exigence : refuser de céder à la facilité, corriger avec bonté mais avec fermeté. Un chef qui laisse passer les entorses à la loi scoute (tricherie, paresse, divisions…) trahit sa mission.

Bref, le chef scout ne se contente pas de parler des vertus : il les inscrit dans la vie de la troupe, dans le concret des activités et des relations. Il construit ainsi jour après jour une communauté où chacun peut réellement « porter la Joie » autour de lui.

Comment arriver à la joie scoute avec ces vertus ?

La joie scoute ne surgira pas par un simple effort de volonté. Elle est le fruit naturel d’une vie enracinée dans les vertus. En cultivant la franchise, le dévouement et la pureté, jour après jour, patiemment, nous laissons Dieu transformer notre cœur.

Alors, même au cœur des épreuves — fatigue, contrariétés, sacrifices — la joie profonde éclot : elle devient cette certitude paisible d’avoir choisi le bien, d’avoir servi pour l’amour du prochain, d’avoir marché humblement sous le regard de Dieu.

C’est cette joie simple et vraie que le Père Sevin nous invite à cultiver, à chanter, à rayonner. Comme il nous le dit dans son chant, nous ne pouvons porter la joie aux autres que si nous la faisons d’abord vivre en nous et entre nous, par la fidélité aux vertus et l’amour du Christ.

Concrètement, l’exercice des vertus se vit collectivement dans le cadre scout, en patrouille. On n’atteint pas la joie scoute tout seul ! C’est par la vie commune (que ce soit dans la famille heureuse, la patrouille ou même la vie entre aînés), la pratique des conseils, l’exercice de la correction fraternelle qu’on y arrive. De là naîtront aussi de grandes et belles amitiés !

Ce que la joie scoute n’est pas

La joie scoute, parce qu’elle est vraie, n’est pas une simple façade ni un slogan répété sans âme. Elle n’est pas une question d’ambiance ou d’animation superficielle. Elle ne consiste pas à fuir la difficulté, ni à se forcer à sourire quand le cœur est lourd. Voici quelques exemples pour mieux comprendre ce qu’elle n’est pas :

  • Elle n’est pas un sourire de façade : il ne s’agit pas de  » faire semblant  » d’être joyeux pour donner le change. Un sourire forcé, plaqué sur un cœur qui bouillonne d’amertume ou d’orgueil, n’est pas la joie véritable.
  • Elle n’est pas l’agitation permanente : le scoutisme ne cherche pas une agitation bruyante sous prétexte de mettre de « l’ambiance ». La vraie joie scoute sait être pleine de paix, de calme, de recueillement. Elle peut se dire dans un feu de veillée vibrant de chants, mais aussi dans le silence profond d’une prière partagée, d’une marche en patrouille ou la contemplation d’une nature printanière en éveil.
  • Elle n’est pas l’absence de débat ou de contradiction : dans une patrouille vivante, il est normal d’avoir des désaccords. La joie scoute ne consiste pas à imposer une harmonie artificielle où chacun se tait pour  » faire bien « . Au contraire, la recherche commune du vrai et du bien, même dans la discussion, renforce la joie.
  • Elle n’est pas une fuite devant les responsabilités : la vraie joie ne consiste pas à fuir les tâches ingrates, à esquiver l’effort, à rechercher uniquement ce qui est facile ou agréable. La joie du scout est celle de celui qui s’est donné tout entier, qui a travaillé, servi, combattu, et qui goûte la paix de l’âme fidèle.
  • Elle n’est pas un slogan creux lancé pour éviter les vraies conversions : se répéter « Soyons joyeux » ne suffit pas. Sans vie intérieure, sans vertu vécue, ces slogans deviennent des coquilles vides. La joie n’est pas un habillage : elle jaillit du cœur transformé par l’amour de Dieu.
  • Elle n’est pas l’autosatisfaction : la joie scoute est toute pétrie d’humilité ! Elle n’est pas non plus un simple “ j’ai gagné ” qui ne saurait qu’être temporaire.

En définitive, la joie scoute est l’écho d’une vie enracinée dans le don, la vérité et l’amour. Elle est ce chant silencieux du cœur, offert à Dieu et aux frères. Elle est le fruit d’une fidélité cachée, humble, persévérante. Elle ne se décrète pas ; elle ne se mime pas ; elle se reçoit comme une bénédiction pour celui qui a choisi de vivre pleinement l’idéal scout. Comme le chantait le Père Sevin, nous voulons porter la Joie — mais cette Joie est exigeante : elle se prépare dans l’effort, elle se forge dans la fidélité, elle éclate dans le don total de soi.

Comment discerner la joie scoute ?
Elle est enracinée dans la vie intérieure : la prière quotidienne, l’amour de Dieu, l’effort vers la sainteté nourrissent la vraie joie.
Elle est liée au don de soi : la joie grandit dans le service gratuit, dans l’effort consenti, dans le dépassement de soi.
Elle est humble : elle ne cherche pas à se montrer ; elle rayonne simplement, souvent sans bruit.
Elle est fraternelle : la joie vraie construit l’unité dans la patrouille ; elle réjouit des succès des autres.
Elle persévère dans l’épreuve : fatigue, échec, contrariétés ne l’effacent pas ; au contraire, elle devient plus profonde.
Elle invite à l’action : celui qui est vraiment joyeux entraîne les autres avec lui, sans forcer, sans discours.
Elle n’existe pas pour elle-même : elle ne se décrète pas. 

Partager :