« C’est bien plus beau lorsque c’est inutile, c’est bien plus beau lorsque c’est gratuit. »

« Que dites-vous ? … C’est inutile ? … Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » Cette parole que Edmond Rostand faire dire à Cyrano de Bergerac m’a trotté dans la tête durant tout notre service.

En effet dans l’esprit d’un jeune homme de 23 ans, partir en mission humanitaire c’est quelque part vouloir faire partie de cette figure chevaleresque des contes pour enfants, voir héroïque comme mère Thérèsa. C’est se dire que l’on va pouvoir changer le monde, que l’on donne de sa personne, de son temps. « Sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que nous faisons votre sainte volonté » certes, mais lorsqu’il faut reconnaître avec humilité que l’on n’est pas indispensable, alors tout se renverse et il faut accepter cette volonté.

« Je n’ai sauvé personne, je ne suis pas médecin ni militaire, mais un échange de sourire est la plus belle des choses que je pouvais offrir. »

Mais revenons-en aux faits.

Après avoir pris contact avec des scouts d’Europe polonais (qui nous ont superbement accueillis, je les remercie encore), nous sommes partis au milieu du mois de juin pour deux semaines, à destination de Varsovie. Dans la capitale, il existait à cette période deux camps de réfugiés, un au cœur de la ville, l’autre au nord-ouest.

C'est bien plus beau lorsque c'est gratuit
C’est bien plus beau lorsque c’est gratuit

Lors de notre arrivée, il a fallu s’armer de patience car nous n’avions aucune information sur comment aider. Comment contacter les centres ? Avaient-ils besoin d’aide ? De quelle sorte ? Y avait-il des formalités nécessaires ?

La providence était cependant avec nous, en la personne de A. guide d’Europe compatriote, que nous avons rencontré par hasard dans le train. Elle nous a donné toutes les informations nécessaires, et le lendemain matin, nous étions au centre.

Une jeune fille de 19 ans chapeautait les arrivées des volontaires et nous as expliqué le fonctionnement : trois activités majoritaires, une cafétéria où l’on distribue des boissons froides, chaudes, et des biscuits ; un dépôt de vêtements afin d’habiller les réfugiés ; et également une salle de jeu pour s’occuper des enfants.

Très vite nous nous sommes rendu compte que tantôt le rythme était très soutenu, tantôt c’était le calme plat. C’est dans ces moments que le sens du service est le plus beau : être disponible même s’il n’y a rien à faire, s’armer de patience, sourire, chercher à se rendre utile au-delà des choses matérielles.

Nous n’avons pas été inutile si j’en crois les retours que nous avons eu à notre départ, et je crois que nous avons eu un impact encore plus moral que technique. En effet, une fois les barrières de la langue contournées (en trouvant des solutions pour se faire comprendre par quelques mots en ukrainien, en polonais, en russe, en anglais, le tout agrémenté de quelques signes), nous avons pu échanger avec les volontaires et les réfugiés.

Deux choses m’ont marquées 

– le désarroi des réfugiés, enfermés dans une salle de spectacle depuis des mois, ne sachant pas s’ils pourront retourner dans leur pays, s’ils pourront avoir une vie normale de nouveau, ou si leur famille restée en Ukraine est sauve. Et pourtant, on sentait la gratitude dans les yeux de certains, pour un simple regard échangé, ou lorsque l’on faisait le simple effort d’apprendre quelques mots en ukrainien.

– la générosité des volontaires. On pouvait voir des mères de familles polonaises arriver après le boulot, et rester 3h pour servir des sodas, ou encore des jeunes prendre des responsabilités colossales au sein du centre, et nous remercier du fond du cœur en nous disant que ce qu’on faisait était super, alors que les personnes inspirantes ce sont eux, pas nous.

Pour conclure, si je n’avais qu’un seul moment à retenir, ce serait le dernier jour. Au moment de partir, un enfant nommé Vlad avec qui je passais pas mal de temps, a tenu à m’accompagner jusqu’à la sortie. Et il s’est effondré en larmes. J’ai eu du mal à retenir les miennes et encore aujourd’hui en écrivant ces mots. C’est à ce moment-là que j’ai compris notre utilité. Nous étions un soutien, un point d’ancrage, pour certains un grand frère. Les sortir de la monotonie de leur quotidien, les avoir fait rire, les avoir fait rêver, c’est la chose dont je suis le plus heureux.

A titre personnel, j’ai été très heureux de pouvoir modestement aider des personnes dans le besoin. J’en ai appris cependant une leçon : si je suis capable de partir deux semaines à l’autre bout de l’Europe pour rendre service, pourquoi ne suis-je pas capable bien souvent d’aider mon prochain qui habite parfois dans la même ville ou la même maison que moi ?

 

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