Après 3 ans de service, une ancienne Akela nous a transmise cette lettre à destination de tous les jeunes hésitant à devenir chefs scouts :
A Bougival, le dimanche 10 septembre 2023
Voilà trois ans, presque jour pour jour, que j’ai accepté de prendre la charge d’Akela de la IIème Bougival. J’avais 19 ans. Tout s’était passé très vite. Marie, à qui je dois beaucoup, était venu me voir au culot, choisie parmi la foule des fidèles de la messe de 11h, car j’étais une jeune fille en âge de servir. « J’ai une clairière complète, avec des assistantes et vingt-quatre louvettes, qui va fermer si personne ne devient Akela. » C’était le jour de la rentrée scoute. Je lui ai demandé de me laisser la messe pour y réfléchir. A la sortie, j’ai dit oui.
Le jour même, je suis montée à la clairière tout en haut dans la forêt de Bougival, et j’ai rencontré vingt-quatre sourires francs, nets, et ma maîtrise. L’ancienne Akela, Constance m’a accueillie avec une joie et un soulagement réels. J’ai rencontré Héloïse ma cheftaine de groupe (CG) qui a été une aide précieuse tout au long de l’année.
Ce jour-là, les trois lettres qui forment le mot oui ont transformé mon existence. C’est fou comme trois lettres peuvent avoir comme action dans une vie, le pouvoir du langage. J’avais le choix. Soit la petitesse du non, je ne veux pas changer mon emploi du temps, non je ne veux pas renoncer, je ne veux pas donner de mon temps, je veux rester dans mes petites habitudes, non j’ai peur. Soit, la grandeur et la clarté du oui. Qu’il est souriant ce oui. Il sonne clair et joyeux. Il a transformé ma vie.
En acceptant, je ne savais pas dans quoi je me lançais. Mais on ne sait jamais en réalité dans quoi on se lance, et c’est ça l’aventure.
Chers jeunes, qui pensez à vous engager, arrêtez de calculer si « ça va passer » ou non. Si dans votre cœur une flamme vous anime, que vous voyez comme un bien supérieur le fait de vous engager, comme quelque chose qui vous rapprocherait de votre idéal, alors lancez-vous. Faites de cet engagement une aventure. Une aventure ne se prévoit pas, ne s’organise pas, ne se planifie pas. Elle vient, et sa seule loi est l’imprévu. Et l’aventure est belle, croyez-moi.
Être chef, avoir charge d’âme, avoir la responsabilité de faire grandir des jeunes, de leur montrer l’exemple, de leur apprendre les vertus, et de les mener ultimement vers la sainteté, je ne crois pas qu’il y ait de chose plus belle au monde.
Et de plus difficile aussi. Le parcours d’un chef est semé d’embûches, mais elles le font grandir et évoluer. Les difficultés ne sont pas une fatalité, elles sont des occasions de se renforcer et de grandir dans les vertus.
Devenir cheftaine m’a évité le piège, ou le travers, d’une vie vécue sans idéal, sans devise, sans fierté, sans chansons enfin. D’une vie un peu médiocre, où je n’aurais appris à servir que mon propre intérêt, puisque la société dans laquelle nous vivons ne connaît que cela.
Le scoutisme m’a appris l’aisance presque désinvolte qu’a le scout dans la vie. Ayant surmonté de réelles difficultés, physiques ou morales, le scout et la guide n’ont que faire des petits tracas. J’ai appris à sourire et chanter dans les difficultés, à me débrouiller, à trouver des solutions sans abattement ni désespoir devant la tâche.
Être chef scout apprend réellement à s’en sortir dans la vie, à s’organiser, être capable de penser aux choses concrètes mais en sachant qu’elles ne sont qu’un moyen, et non la finalité, pour servir un idéal.
"L’idéal chrétien. Servir. Devenir des saints."
Je n’ai été qu’un outil pendant trois ans. Les fruits que portaient mes actions me dépassaient largement. Je n’ai été qu’un râteau, un tournevis peut-être, dans la main divine de notre Seigneur. J’ai pu ressentir ce qu’était la reconnaissance, et d’être reconnaissante en retour. J’ai vu de vrais sourires, francs, nets, des louvettes et de leurs parents. J’ai ressenti pour la première fois la joie et la fierté des parents quand ils voient progresser leur enfant. J’ai ressenti la vraie fatigue, celle qui rend heureux car on sait, avec certitude, qu’on s’est dépensé pour le Royaume de Dieu. J’ai ressenti les vraies humiliations, le vrai désespoir lorsque les choses ne vont pas comme on le voudrait, mais j’ai reçu la vraie Espérance, la vraie confiance que le Seigneur, malgré nos fautes et notre petitesse arrive tout de même à transcender nos actions.
J’ai beaucoup pleuré aujourd’hui. J’ai monté une dernière fois la côte vers la clairière de la forêt de Bougival. C’est la rentrée du groupe. La forêt était belle, toute verte, illuminée d’un beau soleil de septembre. J’ai revu toutes les fois où j’ai monté cette côte en uniforme, avec les louvettes, en chantant, en riant. J’ai lu la prière des louveteaux à la messe, les yeux mouillés. J’ai déposé au pied de l’autel ces trois années. Comme j’ai changé, grandi en trois ans. C’était il y a trois ans que je disais oui, dans cette même église, le jour de la rentrée scoute. J’ai dit aurevoir – à Dieu – aux louvettes aujourd’hui, et je tourne cette page, en prenant un moment pour contempler ces trois années qui s’achèvent où elles ont commencé, et qui me laissent bien changée.
J’ai enfin vécu. MERCI !
Faveur de Jungle va devant, sur la nouvelle piste, sur les sentiers nouveaux !
Merci Seigneur !
Anne-Hermine